La crise à Madagascar prend une tournure dramatique. Depuis le 25 septembre 2025, des milliers de jeunes manifestent à Antananarivo contre les coupures récurrentes d’électricité et d’eau, qui plongent la population dans le noir et la pénurie. Ce mouvement « Leo Délestage », largement animé par la Génération Z malgache, ne réclamait au départ que la fin de ces délestages et un approvisionnement fiable en services publics. Selon Reuters, la police a imposé un couvre-feu nocturne à Antananarivo après que les manifestations se sont « transformées en scènes d’émeute ». Les manifestants défilaient en scandant « Nous avons besoin d’électricité, d’eau » et portaient des pancartes proclamant que « l’eau et l’électricité sont des besoins humains de base ». Face à ces protestations massives, les forces de l’ordre ont répliqué de manière sévère : elles ont multiplié les tirs de gaz lacrymogènes et ont même fait usage de balles réelles pour disperser la foule, au point de déployer un char d’assaut contre les manifestants. La presse internationale rapporte que la police a tiré des lacrymos pour disperser « des milliers de jeunes manifestants » pacifiques.
Les revendications de ces étudiants et jeunes citoyens dépassent désormais la question des délestages. La Génération Z malgache exige avant tout le respect de ses droits fondamentaux : liberté d’expression, sécurité des citoyens et droit de vivre sans violence. Dans un appel relayé par la presse locale, les manifestants rappellent que « la liberté de s’exprimer, la sécurité et le droit de vivre dans un monde sans violence » sont des droits élémentaires auxquels tout être humain doit pouvoir accéder. Leurs slogans inscrits sur des pancartes en carton résument ce message – par exemple : « Water and electricity are basic human needs ». Les manifestants n’étaient quasiment pas armés et n’apportaient avec eux que des moyens de fortune : – leurs vêtements et chaussures habituels,
– de l’eau en bouteille,
– du sérum physiologique pour soulager les yeux en cas d’attaque au gaz,
– des pancartes en carton portant leurs slogans (fin des coupures, liberté d’expression, etc.).
Cette absence d’équipement militaire souligne le caractère essentiellement pacifique de la démarche. Les protestataires demandaient notamment la fin immédiate des coupures d’électricité et d’eau, la sécurité pour la population face aux violences urbaines récentes, ainsi que la liberté d’opinion et d’expression (garantie par la Constitution malgache et par le droit international). Ils rappellent qu’ils ne réclament aucun privilège, simplement des droits de base.
Contexte et première répression
Enraciné dans la colère contre la pauvreté chronique et la corruption, le mouvement s’est étendu en quelques jours à tout le pays. Déjà le 25 septembre, des manifestations avaient eu lieu à Antananarivo et dans plusieurs villes. Ce jour-là, le lieu de rassemblement symbolique d’Ambohijatovo avait été verrouillé par les forces de l’ordre dès l’aube. Néanmoins, les protestataires avaient convergé spontanément dans les rues. Les vidéos officielles et les témoignages concordent : d’abord pacifique, la manifestation a vite tourné à l’affrontement. Des manifestants ont érigé des barricades (pierres, pneus en feu) tandis que les policiers ripostaient avec force. La police a tiré des grenades lacrymogènes et des projectiles en caoutchouc pour disperser la foule, comme l’ont filmé de nombreux participants. Des coups de feu ont été entendus et même un char de l’armée est resté déployé en renfort.
Le bilan de cette première journée est lourd : selon des rapports officiels et médiatiques, au moins cinq à six manifestants ont été tués et plusieurs dizaines blessés. En fin de journée, des affrontements ont dégénéré en pillages : des commerces, banques, stations du téléphérique ont été vandalisés ou incendiés. Dans la panique, les forces de sécurité affectées aux manifestants ne sont pas intervenues pour protéger les civils attaqués. Face à la situation, les autorités ont instauré un couvre-feu de nuit à Antananarivo et dans d’autres grandes villes dès le 26 septembre.
L’extension du mouvement
Loin de s’éteindre, la contestation s’est élargie. Outre les étudiants, des membres de la société civile et même des partis d’opposition ont rejoint le mouvement. Déjà le 27 septembre, de nouveaux rassemblements ont eu lieu (notamment sur l’avenue Charles-de-Gaulle près du campus d’Ankatso). Les étudiants portaient des chapeaux colorés ou des tee-shirts noirs en signe de deuil pour les victimes. Les affrontements ont repris ce jour-là : les jeunes ont été refoulés par les forces de l’ordre, utilisant à nouveau des gaz lacrymogènes et des tirs à balles réelles jusqu’à proximité d’un hôpital privé. La tension est également montée dans d’autres villes (par exemple à Antsirabe, où l’armée a tiré et tué un étudiant).
Les revendications se sont durcies. Selon LINFO.re, au 27 septembre les manifestants réclamaient désormais la démission du président Rajoelina en plus de la fin des délestages et de la lutte contre la corruption. Ces nouvelles revendications interviennent après le constat d’« absence de l’État » lors des pillages nocturnes de la nuit du 24 au 25 septembre, qui ont touché des commerces sans aucune intervention des forces de sécurité. Les habitants révoltés soulignent que l’État n’a même pas été en mesure de garantir leur protection.
Le rassemblement du 29 septembre
Malgré les interdictions officielles et la répression, les organisateurs ont maintenu leur mobilisation. Plusieurs médias ont confirmé qu’une « grande manifestation » des étudiants était prévue le 29 septembre sur le campus de l’Université d’Antananarivo, à Ankatso. Ce rassemblement était présenté comme une « mobilisation générale » des étudiants, avec un ultimatum de 48 heures pour obtenir des réponses politiques concrètes. Les préparatifs avaient lieu en noir (couleur de deuil) et les slogans portaient sur la liberté d’expression et la justice sociale.
Au matin du 29 septembre, des jeunes manifestants et influenceurs sont arrivés à Ankatso comme prévu. Sans protection particulière, ils n’avaient avec eux que leurs vêtements, de l’eau, du sérum physiologique et des pancartes en carton. Ils ont brièvement discuté avec des journalistes pour expliquer leurs demandes – essentiellement la fin des coupures, la sécurité des citoyens et le respect de leur liberté d’opinion. Mais dès les premiers instants, la peur a repris le dessus : les forces de l’ordre, massivement déployées sur place, ont lancé des grenades lacrymogènes dans les rues du campus. Des témoins rapportent une détonation, puis une panique générale qui a poussé les jeunes à fuir. La foule rassemblée à Ankatso a été dispersée à l’aide de gaz lacrymogènes, confirmant une nouvelle fois l’usage systématique de la force malgré le caractère pacifique du rassemblement. Plusieurs étudiants ont été touchés par des projectiles ou ont inhalé le gaz, au point que la Croix-Rouge a dû prendre en charge les blessés.
En ce jour du 29, les manifestants portaient comme signe de protestation des tee-shirts noirs en mémoire des victimes précédentes. Les nouvelles victimes attendues (« vous verrez ce manifestant blessé », assurent les organisateurs) porteront simplement leurs vêtements, de l’eau et une pancarte comme le précédent. Les interrogations sont nombreuses : Quelle justification y a-t-il à viser ainsi de jeunes désarmés venus exprimer leur opinion pacifiquement ? Qui a donné l’ordre d’ouvrir le feu ou de lancer des gaz sur ce rassemblement non violent ? Pour les manifestants, ces opérations policières font fi de la liberté d’expression, pourtant reconnue comme un droit fondamental par la Constitution et les traités internationaux. Descendre dans la rue pour demander l’accès à l’énergie, la sécurité et des conditions de vie dignes est un acte citoyen, pas un crime.
Réactions nationales et internationales
La répression brutale et les pertes humaines ont suscité une onde de choc. Au niveau national, l’usage de la force – y compris balles réelles – a suscité « l’indignation » parmi la population malgache. Des responsables ont par ailleurs affirmé à l’antenne de la télévision que les manifestants représentaient un risque de « coup d’État », mais les manifestants eux-mêmes soulignent qu’ils n’ont aucune intention insurrectionnelle.
Au plan international, les institutions régionales s’inquiètent. La Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) a exprimé son inquiétude face au nombre de morts et blessés, tout en appelant les parties à la retenue et au dialogue constructif. De même, l’Union africaine s’est dite prête à « accompagner Madagascar et la SADC à trouver une solution à la crise ». Ces appels soulignent la gravité de la situation pour les droits de l’homme à Madagascar.
Appel aux défenseurs des droits de l’homme
Ce mouvement de protestation transcende les revendications locales : il s’agit d’une plainte contre l’« oppression silencieuse » dont souffre la jeunesse malgache. En dénonçant la mort de la liberté d’expression à Madagascar, les manifestants font un appel solennel à la communauté internationale. Ils demandent en substance que « la vérité soit vue, entendue et relayée au-delà de nos frontières », et qu’une enquête indépendante soit ouverte sur les ordres qui ont conduit à cette répression des droits humains.
Les défenseurs internationaux des droits humains sont ainsi mobilisés par ce drame naissant. Des organisations comme Amnesty International ou Human Rights Watch surveillent de près la situation sur l’île. Elles rappellent que la liberté d’opinion et d’expression est garantie par la Déclaration universelle des droits de l’homme et par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Tirer à vue sur des manifestants pacifiques constitue une violation grave de ces normes internationales.
En attendant, sur le terrain le mouvement continue : même blessés, certains jeunes promettent de revenir dans la rue, « encore et encore », jusqu’à ce que leurs droits soient respectés. « Il n’y a plus de safe place », confie l’un d’eux, la voix encore rauque de lacrymogène : « Où que l’on aille, même discuter devient un crime, y compris sur le campus ». Leur message est clair : la lutte n’est pas seulement malgache, c’est un appel à la conscience de tous. Le monde doit regarder de près Madagascar, où la liberté semble s’éteindre, pour éviter qu’une génération entière ne soit étouffée dans le silence.
Sources : Reportages sur place et en Afrique australe, presse internationale (Reuters, Al Jazeera, LINFO.re) et dossier Manifestations de 2025 à Madagascar (Wikipédia). Ces sources confirment les faits de la mobilisation Gen Z, la répression policière et les réactions nationales/internationales aux événements de septembre 2025.
Etudiant en Master II en biochimie, je suis passionné par les voyages et les technologies de l’information et de la communication. En dehors de mes études, je travaille en tant que rédacteur, traducteur et intégrateur. Je fais également un peu de community management.
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