La jeunesse malgache de la « Gen Z » fait mentir tous ceux qui voyaient dans l’absence de leader officiel sa principale faiblesse. Bien au contraire, ce mouvement sans chef ni parti a su incarner la force de la décentralisation et faire plier le « système orange » du régime en place[1][2]. En mobilisant spontanément des milliers de jeunes connectés, la Gen Z Madagascar a démontré qu’elle était un nouveau contre-pouvoir redoutable, capable d’influencer la gouvernance du pays sans se laisser acheter ni neutraliser. Voici comment cette génération engagée a réussi là où tant d’autres mouvements ont échoué.
Gen Z Madagascar : Une force décentralisée, impossible à neutraliser
Contrairement aux mouvements traditionnels, la Gen Z Madagascar ne dépend d’aucun leader unique. Un mouvement centré autour d’un chef peut être manipulé, acheté ou éliminé ; mais une génération entière sans centre de pouvoir est beaucoup plus difficile à affaiblir. Chaque jeune connecté, chaque voix sur les réseaux sociaux, chaque collectif local constitue un point de résistance autonome. Le message ne repose plus sur une seule personne : il vit au sein de la foule, dans la conscience collective de la jeunesse. Cette horizontalité est flagrante dans l’organisation de Gen Z Madagascar, qui se définit elle-même comme un mouvement « structuré horizontalement, sans leader, utilisant les réseaux pour débattre et protester »[3].
En pratique, cela signifie qu’aucune tête pensante unique ne peut être coupée pour éteindre le mouvement. Les autorités malgaches, habituées à négocier ou à réprimer des dirigeants identifiés, se sont retrouvées démunies face à une mobilisation diffuse. Par exemple, en septembre 2025, malgré l’interdiction préfectorale de manifester, des milliers de jeunes sont descendus dans les rues d’Antananarivo sans leader à arrêter ou intimider, bravant les interdictions pour protester contre les coupures d’eau et d’électricité[4]. Même la répression violente n’a pas suffi à stopper cet élan, car chaque acte de coercition ne faisait qu’alimenter l’indignation d’un mouvement sans visage central mais à la présence omniprésente.
Vidéo : Manifestation nationale menée par la jeunesse à Antananarivo en octobre 2025, protestant contre les fréquentes coupures d’électricité et d’eau. Ce soulèvement spontané de la Gen Z Madagascar s’est rapidement élargi à des revendications contre la corruption et la mal-gouvernance, contribuant à la chute du régime en place.
Gen Z Madagascar : Une mobilisation populaire, organique et spontanée
La Gen Z ne se mobilise pas par obéissance à un ordre venu d’en haut, mais par conviction personnelle et contagion sociale. Ses causes émergent de manière organique, « à la manière des vagues » : il suffit d’un hashtag percutant, d’une vidéo virale ou d’une idée fédératrice pour qu’aussitôt la mobilisation prenne forme. C’est ainsi qu’est né le collectif Gen Z Madagascar à la mi-septembre 2025 : un groupe sans leader déclaré, formé en ligne via des comptes Facebook et Instagram, avec une coordination sur Discord et Signal[5]. Beaucoup de ces jeunes ne se connaissaient que sous pseudonyme, témoignage d’une organisation spontanée et décentralisée. Loin des structures hiérarchiques classiques, cette génération née avec Internet exploite pleinement la viralité du numérique : « leur force, c’est la viralité. Leur arme, c’est la sincérité. Leur champ de bataille, c’est la Toile », observe un éditorialiste malgache[6]. En filmant en direct les abus, en inondant les réseaux de témoignages et de symboles rassembleurs, ces jeunes créent des vagues de protestation d’une ampleur inédite.
Cette absence de hiérarchie formelle agit de surcroît comme un garde-fou naturel contre la récupération politique. Il n’y a pas de sommet à décapiter, pas de comité central à infiltrer. Quand, en octobre 2025, une faction de l’armée a tenté de s’approprier la victoire du soulèvement populaire en prenant le pouvoir, la réaction des protestataires a été éloquente : indignation face aux tentatives de “récupération” de leur mouvement par les nouveaux dirigeants militaires[7]. Autrement dit, la Gen Z Madagascar veille jalousement à son indépendance d’action. Son horizontalité même rend extrêmement difficile pour un parti ou un pouvoir établi de la détourner à son profit, car le pouvoir d’influence est dilué dans la multitude et non concentré en un point que l’on pourrait aisément viser.
Gen Z Madagascar : Une immunité contre la corruption politique
À Madagascar, l’histoire récente a montré que dès qu’un mouvement citoyen s’institutionnalise ou se dote de représentants officiels, il finit tôt ou tard par être absorbé ou détourné par le système en place. Combien de fois a-t-on vu des leaders de protestation être cooptés par un poste au gouvernement, ou des partis d’opposition canaliser la grogne populaire à des fins électorales ? La Gen Z Madagascar offre une résistance inédite à ce syndrome de la récupération-corruption, précisément parce qu’il n’y a personne à acheter, personne à promouvoir, personne à faire taire.
Ne possédant ni figure emblématique unique ni structure partisane, ce mouvement prive les décideurs corrompus de leur levier d’action habituel. La jeunesse malgache n’a pas de prix et n’a pas d’intermédiaire : ses revendications s’expriment de façon distribuée, par une myriade d’acteurs indépendants. Lors du soulèvement de 2025, le gouvernement a bien tenté quelques manœuvres classiques, comme limoger en urgence le ministre de l’Énergie pour apaiser la colère suite aux premières manifestations[8], mais ces concessions ponctuelles n’ont eu aucun effet notable sur la détermination des jeunes. Sans leader pour accepter un « compromis » au nom du mouvement, la base est restée inflexible, maintenant la pression jusqu’au départ du président.
Ce principe de vigilance collective contraste fortement avec 2009, où un jeune maire charismatique (Andry Rajoelina) avait mené la rue jusqu’au pouvoir avant de s’y installer lui-même[9]. La Gen Z d’aujourd’hui semble déterminée à ne pas répéter ce schéma. Elle ne veut plus simplement échanger un visage contre un autre au sommet de l’État ; comme le résume une activiste de 28 ans, « on se bat vraiment pour changer le système, pas pour remplacer un président par un autre »[10]. En refusant toute personnification de son combat, la Gen Z Madagascar s’immunise ainsi contre les offres de corruption politique qui ciblent d’ordinaire les individus au détriment des idéaux.
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Gen Z Madagascar : Gardienne de la bonne gouvernance, plutôt que prétendante au pouvoir
Fait notable, la Gen Z Madagascar ne cherche pas à occuper les sièges du pouvoir à tout prix ; son rôle s’affirme plutôt comme celui d’une vigie citoyenne exigeant la bonne gouvernance. En 2023-2025, ces jeunes ont dénoncé sans relâche les abus du régime (corruption, népotisme, manque de services de base) et exigé de la transparence de la part des dirigeants. Ils ont prouvé qu’ils pouvaient influer sur le pouvoir sans s’y substituer directement. Par exemple, tout en se réjouissant de la chute d’Andry Rajoelina en octobre 2025, beaucoup de protestataires Gen Z se sont déclarés méfiants envers la junte militaire transitoire qui a suivi, oscillant « entre satisfaction et indignation face aux tentatives de détournement de leur victoire »[7]. Plutôt que de chercher à immédiatement “prendre la place”, ils ont signifié aux nouveaux gouvernants qu’ils resteraient mobilisés pour exiger des comptes.
Cette posture lucide transparaît dans la volonté affichée de « changer le système, pas seulement de dirigeant »[10]. La Gen Z Madagascar entend rappeler constamment aux élites en place que rien ne pourra plus se faire sans la surveillance active de la jeunesse. Inutile donc de l’infantiliser ou de la cantonner au rôle de figurant : elle a démontré qu’elle pouvait, par la pression de la rue et de l’opinion, amener des changements concrets. En l’espace de quelques semaines fin 2025, le message a été entendu haut et fort : les dirigeants malgaches ne peuvent plus gouverner dans l’opacité ni persister dans l’impunité sans s’exposer à la colère connectée de toute une génération. Cette jeunesse est devenue le nouveau contre-pouvoir du pays, une forme inédite d’« institution décentralisée » diffusive et insaisissable, toujours en éveil pour défendre l’intérêt collectif.
Il est frappant de constater que malgré le retour à un régime dominé par l’armée, les leaders de Gen Z continuent de réclamer une place dans les discussions sur l’avenir politique, et surtout des changements structurels profonds[11][12]. Qu’ils siègent ou non à la table du gouvernement importe finalement peu : leur force est d’exister en dehors, pour mieux surveiller ceux qui sont dedans. En somme, la Gen Z Madagascar conçoit sa mission pour les années à venir non pas comme une quête de pouvoir, mais comme une garantie que le pouvoir rende enfin des comptes.
Vidéo : Face à la Gen Z, le président exfiltré par la France
Gen Z Madagascar : L’unité dans la diversité : pas de porte-parole, pas de problème
Beaucoup ont tenté de se poser en « représentant » ou porte-parole de la Gen Z Madagascar, que ce soit au sein de la classe politique traditionnelle ou même parmi les jeunes activistes. Aucune de ces tentatives n’a obtenu l’unanimité, et c’est bien normal. Cette génération n’a pas besoin d’un porte-parole attitré : la diversité de ses opinions, de ses origines et de ses causes fait sa véritable puissance. Elle réunit aussi bien des étudiants des villes que des jeunes de la diaspora ou des zones rurales, des chômeurs diplômés que des ouvriers ou des auto-entrepreneurs. Son dénominateur commun n’est pas un programme politique unique, mais une aspiration partagée à un avenir meilleur et à la justice sociale.
Plutôt que de suivre aveuglément un chef, « cette jeunesse ne suit pas de leaders, elle suit des principes », note pertinemment un analyste local[13]. C’est une unité d’un genre nouveau, fondée sur des valeurs (la lutte contre la corruption, l’exigence de dignité, la soif de liberté et de vérité) plutôt que sur l’alignement derrière une personnalité. Cette caractéristique explique qu’aucun visage n’ait émergé comme “le” leader incontesté de la Gen Z : il y a certes des figures influentes et des coordinateurs de collectifs, mais le mouvement reste polyphonique. Et loin d’être un handicap, cette pluralité est un atout stratégique : elle permet à la Gen Z d’être à l’image de la société malgache dans toute sa complexité, et donc de rallier bien plus largement.
On peut y voir aussi l’influence des références culturelles communes qui soudent cette génération. Le choix du drapeau pirate de One Piece comme emblème en est un symbole parlant : emprunté à un manga mondialement populaire, ce drapeau revisité (tête de mort coiffée d’un chapeau traditionnel malgache) a rallié instantanément toute une jeunesse autour d’un imaginaire de rébellion joyeuse et solidaire[3][14]. C’est un étendard sans connotation partisane, mais porteur de valeurs universelles (liberté, camaraderie, refus de l’injustice) que chacun peut s’approprier. Dans cette révolution 2.0, les memes, les références pop et la créativité partagée ont remplacé les vieux discours idéologiques, permettant une unité transversale au-delà des clivages habituels.
En fin de compte, la Gen Z Madagascar montre qu’elle n’a pas besoin de chef pour avancer. Sa cohésion vient de sa diversité harmonieuse et de sa détermination collective. Comme le résume un observateur : « Elle ne croit plus aux partis, elle croit aux crews. Elle ne suit pas des leaders, elle suit des principes »[13]. Et à mon humble avis de politologue, c’est justement en refusant de se laisser enfermer dans un schéma politique traditionnel qu’elle joue au mieux son rôle dans cette décennie : non pas gouverner, mais surveiller ceux qui gouvernent, en restant le poil à gratter constant du pouvoir en place. C’est là, quelque part, la véritable révolution : une génération entière érigée en contre-pouvoir décentralisé, imprévisible et incorruptible, qui oblige déjà Madagascar à réinventer son contrat social. Et ce n’est qu’un début, car cette jeunesse a bien l’intention de ne plus jamais rentrer dans l’ombre ✊.
Vidéo : Hira Faneva – Hymne national de la Gen Z Madagascar : « Miala ao am-po re! »
Sources :
[1] [2] Madagascar’s president has left the country after Gen Z protests, officials say | Reuters – https://www.reuters.com/world/africa/madagascar-president-rajoelina-address-nation-monday-evening-2025-10-13/
[3] [4] [8] Revolt in Madagascar: what is the ‘Gen Z’ movement? – Europe Solidaire Sans Frontières – https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article76434
[5] [9] [14] ‘Gen Z gave us the victory’: how young protesters toppled Madagascar’s leader | Madagascar | The Guardian – https://www.theguardian.com/world/2025/oct/17/gen-z-victory-young-protesters-toppled-madagascar-leader
[6] [13] À Madagascar, la Gen Z bouscule les modes de contestation -https://www.courrierinternational.com/article/opinion-a-madagascar-la-gen-z-bouscule-les-modes-de-contestation_235887
[7] Madagascar’s Gen Z refuses to let its victory be taken away – https://www.lemonde.fr/en/international/article/2025/10/16/madagascar-s-gen-z-refuses-to-let-its-victory-be-taken-away_6746497_4.html
[10] [11] [12] After army coup, Madagascar’s Gen Z demand a voice in shaping what comes next | Reuters – https://www.reuters.com/world/europe/after-army-coup-madagascars-gen-z-demand-voice-shaping-what-comes-next-2025-10-19/
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