Le samedi 11 octobre 2025, avant midi, les abords d’Anosy semblaient encore étonnamment calmes. Des barrages de gendarmes et de policiers étaient installés au rond‑point des Anciens Combattants et à l’entrée du tunnel, mais les forces de l’ordre surveillaient sans tension apparente la circulation. Pendant ce temps, à Antanimbarinandriana, un nombre croissant de citoyens se réunissaient pour « lutter pour la génération future », décidés à marcher vers Anosy.
Le peuple se met en marche
Les manifestants, hommes et femmes, jeunes et anciens, se sont mis en marche en entonnant d’une seule voix des chants patriotiques. Un détail marquant de cette marche résidait dans la présence de quelques personnes malvoyantes, armées de leurs cannes, en tête du cortège. Interrogés, ils lâchaient avec détermination : « Nous, nous ne voyons déjà pas, nous n’avons pas peur de devenir aveugles. » À leurs côtés marchaient des grands‑parents, des femmes et des hommes déterminés, symbolisant la diversité et la solidarité de ce mouvement.
Les forces de l’ordre cèdent puis répliquent
À l’approche des manifestants, les gendarmes firent mine de renforcer les barrages. Un échange feutré entre les chefs de la gendarmerie et des représentants des protestataires aboutit à un léger recul des forces de l’ordre. Mais cette courte accalmie fut vite rompue. À hauteur de l’ancien bâtiment de l’ANTA, les gendarmes bloquèrent totalement la route. Les rues se remplirent, la pression monta et, bientôt, un gendarme prit un mégaphone pour lancer un premier, puis un second et un troisième avertissement. Peu après, les gaz lacrymogènes fusèrent. Un épais nuage blanc envahit la zone, étouffant les protestataires et aveuglant même les tireurs, car le vent rabatta la fumée vers les forces de l’ordre. Certains manifestants ramassèrent les grenades et les renvoyèrent vers les policiers et gendarmes.
L’embrasement fut alors total. Des pierres fusèrent, des frondes et des projectiles divers répondirent aux gaz et aux balles en caoutchouc. Des barricades improvisées furent dressées avec des blocs de pierre.
Affrontements autour d’Anosy
Le cortège tenta de se diriger vers le tribunal financier d’Ambohidahy, mais les gendarmes ripostèrent par des salves de grenades qui repoussèrent la foule. C’est à Antanimbarinandriana que les affrontements se concentrèrent le plus violemment dans l’après‑midi : les anciens et les malvoyants furent progressivement écartés du front, tandis que les bombes lacrymogènes éclataient à un rythme soutenu et que les manifestants répliquaient sans relâche à coups de pierres.

L’arrivée des blindés et les divisions
Vers le rond‑point près du camp militaire d’Anosy, des véhicules blindés entrèrent en scène. Les soldats qui se trouvaient à bord refusèrent cependant de charger la foule. Sous les ordres d’un gendarme qui criait « Allez ! Faites avancer les blindés ! », les deux véhicules hésitèrent et se replièrent légèrement derrière les barrières, leur équipage manifestant leur réticence à disperser les manifestants. Un troisième blindé, également occupé par des militaires du Tafika Malagasy, fit son apparition.
Parallèlement, un quatrième blindé et des 4×4 de gendarmerie, stationnés aux Anciens Combattants, prirent en chasse les protestataires depuis Ampatsakana jusqu’à Anosy, puis au rond‑point du Sénat et enfin vers Antanimbarinandriana Mahamasina. Les coups de feu et les explosions de grenades ne cessèrent pas. Les manifestants, hommes et femmes, ne cédèrent pas malgré tout.
Au terme de cette course, l’un des blindés crèva un pneu. Les gendarmes qui s’y trouvaient s’enfuirent. L’un d’eux fut rattrapé par la foule et violemment passé à tabac, au point d’être laissé inanimé.
La retraite des forces de l’ordre
À la fin de l’après‑midi, la rumeur de l’arrivée des forces spéciales du CAPSAT se propagea. Les policiers et gendarmes encore présents autour d’Antanimbarinandriana et ceux qui dispersaient la foule prirent la fuite en direction du tunnel d’Ambohidahy. Le gendarme inconscient fut embarqué à la hâte dans un 4×4, tandis que des tirs de grenades et de balles continuaient à retentir à proximité du tunnel. C’est là qu’un homme originaire d’Ankadifotsy tomba mortellement atteint.
Certains membres des forces de l’ordre allèrent se cacher dans leurs casernes et postes de police, n’en ressortant qu’à la tombée de la nuit, après avoir troqué leurs uniformes pour des vêtements civils afin de rentrer chez eux discrètement.
L’allégresse et l’armée
En contraste avec les scènes de heurts, la soirée se transforma en moment de liesse pour les manifestants. Au centre d’Analakely, ils célébrèrent leur persévérance aux côtés du Tafika Malagasy. Des véhicules blindés accompagnaient la foule, transportant notamment le colonel Randrianirina Michael, surnommé Nirina Mike, ainsi que le général Lylyson René de Rolland et plusieurs soldats. Cette alliance inattendue scellait pour eux une victoire symbolique et donnait au 11 octobre 2025 à Anosy le visage d’une journée hors du commun.
Ainsi s’achèvent les événements d’Anosy et des environs en ce samedi historique. Cette journée restera gravée dans les mémoires comme un moment où un peuple déterminé, appuyé par une partie de l’armée, a tenu tête aux forces de l’ordre et marqué l’histoire contemporaine de Madagascar.
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