En janvier 2025, Madagascar est passé au crible de la quatrième Revue périodique universelle (Universal Periodic Review, UPR) du Conseil des droits de l’homme des Nations unies. À cette occasion, 235 recommandations ont été adressées au pays pour renforcer la protection des droits humains. Si 178 ont été acceptées, 10 ont été formellement rejetées et 47 mises « en attente ». Parmi les refus, celles qui concernaient directement la lutte contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre ont été écartées d’un revers de main par la délégation conduite par le ministre de la Justice, Benjamin Alexis Rakotomandimby.
Cette décision intervient alors que le cadre juridique malgache ne criminalise plus l’homosexualité entre adultes consentants depuis 1972, mais maintient un âge de consentement plus élevé pour les rapports entre personnes de même sexe (21 ans contre 14 ans pour les rapports hétérosexuels). Aucune reconnaissance des couples, ni protection explicite contre les discours de haine ne sont prévues, laissant les personnes LGBTQ exposées à l’arbitraire et aux violences.
Trois recommandations phares balayées
- 121.42 (Espagne) : prévenir, combattre et poursuivre toutes les formes de discrimination, de violence et de discours de haine visant les personnes LGBTI.
- 121.43 (Suisse) : prendre des mesures concrètes pour lutter contre la violence fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre.
- 121.44 (Islande) : réviser l’article 331 du Code pénal afin d’harmoniser l’âge de consentement, quel que soit le sexe des partenaires.
Ces propositions ont été « notées mais non acceptées », le gouvernement invoquant un conflit avec « les coutumes et la législation nationale ».
La riposte de la société civile malgache
Le 10 juillet, six organisations locales ; dont Queer Place, Mifoha Olo Mazoto et Divers’Unité ont publié un communiqué commun dénonçant « un déni de responsabilité ». Elles rappellent que la Constitution malgache appelle à l’éradication de toutes les formes d’injustice, de corruption, d’inégalité et de discrimination. Pour les militants, refuser d’agir revient à cautionner l’impunité et la violence.
Interrogé par la presse, le ministre de la Justice a mis en avant la préservation des traditions pour justifier le statu quo. Mais pour Diamond, porte‑parole de Queer Place, cet argument masque surtout une absence de volonté politique : « Le ministre se retranche derrière la culture pour éviter de prendre ses responsabilités. »
Enjeux démocratiques et économiques
Au‑delà des droits LGBTQ, ce refus envoie un signal inquiétant :
- État de droit fragilisé : l’écart entre la Constitution et la pratique entame la crédibilité des institutions.
- Climat d’insécurité pour les défenseurs des droits humains : journalistes et ONG craignent que l’intimidation perdure.
- Impact sur l’investissement étranger : les bailleurs de fonds intègrent de plus en plus les critères de gouvernance et de respect des minorités dans leurs décisions.
Sans cadre de protection, les personnes LGBTQ restent vulnérables : agressions, chantage, évictions familiales et difficulté d’accès aux soins. Or, la Banque mondiale et plusieurs agences de coopération conditionnent certaines aides à la lutte contre les discriminations, ce qui pourrait à terme pénaliser l’ensemble de la population.
Le droit international : un levier encore sous‑exploité
Madagascar est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui prohibe la discrimination. La Cour africaine des droits de l’homme a déjà condamné des États pour homophobie. Les ONG locales envisagent donc de saisir ces instances régionales ou onusiennes pour faire pression, en s’appuyant sur le principe de non‑discrimination garanti par la Constitution et par les traités ratifiés :
- Aligner l’âge de consentement en modifiant l’article 331 du Code pénal, sans bouleverser les autres dispositions relatives à la sexualité.
- Adopter une loi‑cadre contre les discours de haine, déjà envisagée depuis 2021 pour protéger journalistes et militants.
- Former magistrats et forces de l’ordre afin d’assurer l’application impartiale des lois existantes.
- Mettre en place un observatoire national des violences basées sur l’orientation sexuelle, avec un mécanisme de signalement anonyme.
Quelques sources pour aller plus loin
- Manoël‑Florisse, M. (17 juillet 2025). Madagascar rejects UN recommendations on LGBTQ discrimination. 76Crimes. https://76crimes.com/2025/07/17/madagascar-rejects-un-lgbtq/
- United Nations Human Rights Council. (5 mai 2025). Report of the Working Group on the Universal Periodic Review: Madagascar – Addendum (A/HRC/59/13/Add.1). United Nations Digital Library. https://digitallibrary.un.org/record/4083457/files/A_HRC_59_13-EN.pdf
- Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights. (27 janvier 2025). Universal Periodic Review: Madagascar – Fourth cycle. OHCHR. https://www.ohchr.org/en/hr-bodies/upr/mg-index
- ILGA World. (2025). Madagascar: LGBTI rights in law. ILGA World Database. https://database.ilga.org/madagascar-lgbti
Etudiant en Master II en biochimie, je suis passionné par les voyages et les technologies de l’information et de la communication. En dehors de mes études, je travaille en tant que rédacteur, traducteur et intégrateur. Je fais également un peu de community management.
Courriel : herinantenainarakotondramanana[at]gmail.com.
Tel: +261 (0) 32 93 737 82 .