Le terme Antemoro ou Antaimoro, selon la tradition locale, fait référence à un groupe ethnique de Madagascar. Les Antemoro s’établirent dans la plupart du temps entre Farafangana et Manakara, c’est-à-dire sur la côte sud-est de l’île.
À la différence des autres ethnies présentes à Madagascar, les Antemoro s’illustrèrent souvent pour leur organisation sociale et leur capacité à contrôler le commerce. Connaissant l’écriture et pratiquant la médecine traditionnelle, ils furent également admirés pour leur connaissance de l’art divinatoire et les astres.
Histoire du Royaume Antemoro
Historiquement, ce fut un sultan originaire de la Mecque du nom de Ramakarano qui fonda le royaume Antemoro. Le dynamisme de la féodalité au sein de ce royaume a perduré du 13e au 19e siècle. Il faut souligner que l’ethnie Antemoro est formée par plusieurs clans, dont les Anteony, les Ampanabaka, les Antalaotra et les Anakara.
Les Anteony ont été reconnus comme étant les premières arrivées dans la partie de Vohipeno tandis que les Ampanabaka sont les majoritaires en nombre au sein du foko Antemoro.
Dès l’arrivée de Ramakarano et la structuration du royaume, les Antemoro ont démontré une forte capacité d’organisation. Leur système féodal unique, articulé autour de lignées royales et d’une hiérarchie stricte, a favorisé leur stabilité et leur prospérité pendant plusieurs siècles. Cette société s’est appuyée sur une transmission stricte du pouvoir entre clans, favorisant la constitution d’une aristocratie locale reconnue dans la région sud-est de Madagascar.
Pour les Antalaotra, bien qu’ils soient considérés comme les derniers venus dans l’ethnie Antemoro, ils surent se distinguer très rapidement puisque ce sont eux qui apportèrent le « Sorabe ». C’est une écriture particulière présentant une forte ressemblance avec l’écriture arabe. Enfin selon la tradition qui se perpétue, les Anakara furent venus d’Arabie Saoudite. Ils tentèrent de fuir ce pays puisque persécutés à cause de leur ascendance juive.
Les Antalaotra ont marqué l’histoire locale en introduisant le sorabe, un système d’écriture inspiré de l’alphabet arabe, adapté à la langue malgache. Cette transmission du savoir écrit a permis de préserver l’histoire, la spiritualité et les sciences traditionnelles du peuple Antemoro. Les Anakara, pour leur part, sont associés à des origines arabes prestigieuses et à des épisodes de migration liés à des persécutions d’ordre religieux. Leur rôle dans la structuration de la société et dans la conservation des savoirs fait d’eux une lignée aristocratique centrale dans l’ethnie.
Il faut souligner que les Antemoro s’illustrèrent comme étant des habiles diplomates. Andriamahazonoro, issu du clan Anakara, fut d’ailleurs un conseiller spécial des rois Andrianampoinimerina et de Radama 1er vers le 18e siècle.
Le rayonnement des Antemoro ne s’est pas limité à leur territoire. Leur maîtrise des arts divinatoires et leur connaissance de l’écriture leur ont valu d’être sollicités comme conseillers et diplomates auprès des souverains malgaches. La figure d’Andriamahazonoro, conseiller des rois Andrianampoinimerina et Radama Ier, symbolise ce prestige et cette capacité à influencer la politique et la spiritualité de tout Madagascar.
Origines, migrations et influences Arabes
La tradition Antemoro met en avant une origine étrangère, notamment une ascendance liée à la Mecque et à la péninsule arabique. Ce récit, transmis oralement et consigné dans les manuscrits sorabe, confère au peuple une légitimité spirituelle et une identité à part. Il traduit également l’importance des flux migratoires dans l’histoire de Madagascar et la place des Antemoro dans le métissage culturel de la Grande Île.
Les migrations et les échanges anciens ont introduit des éléments islamiques, comme le respect de certains tabous alimentaires, l’usage du calendrier lunaire ou encore la vénération de textes sacrés. Cependant, la religion traditionnelle malgache, centrée sur le culte des ancêtres, demeure le socle des croyances Antemoro, en symbiose avec l’apport musulman originel.
Organisation sociale et structure des clans
La société Antemoro est organisée autour de plusieurs grands clans, chacun ayant un statut, des attributions et des tabous spécifiques. Les Anteony sont considérés comme les anciens de Vohipeno, détenteurs des premiers savoirs locaux. Les Ampanabaka forment la majorité numérique, tandis que les Antalaotra et les Anakara représentent l’élite savante et dirigeante, investie de fonctions religieuses, politiques ou divinatoires. Les mariages, la succession et la transmission du savoir sont encadrés par des règles rigoureuses visant à préserver l’identité et la cohésion du groupe.
Cette structuration en clans favorise la spécialisation des rôles, la gestion des conflits et la préservation des traditions. Les alliances, cérémonies et fêtes sont autant d’occasions de rappeler la hiérarchie et le respect dû aux ancêtres et aux autorités coutumières.

Le Sorabe : manuscrits, savoir et transmission
L’un des apports majeurs des Antemoro à la civilisation malgache est la pratique du sorabe, une écriture unique issue de l’alphabet arabe et adaptée à la langue locale. Cette écriture, d’abord réservée à une élite, a permis la consignation de chroniques royales, de traités de divination, de généalogies, de recueils de proverbes et de textes médicinaux.
La maîtrise du sorabe donne un accès privilégié aux savoirs et confère prestige et autorité à ceux qui en sont dépositaires. Les katibo (lettrés Antemoro) sont perçus comme les médiateurs entre le monde visible et les ancêtres, gardiens des rituels et garants de la stabilité spirituelle de la société. À travers les siècles, cette tradition écrite a permis la conservation d’une mémoire collective précieuse pour l’histoire de Madagascar.
Art divinatoire, médecine traditionnelle et ombiasy
Outre l’écriture, les Antemoro sont renommés pour leur expertise en art divinatoire et en médecine traditionnelle. Les ombiasy (devins et guérisseurs), souvent issus des familles savantes, voyageaient à travers l’île pour prodiguer des conseils, interpréter les signes du destin et soigner grâce aux plantes. Leur influence s’étendait bien au-delà du royaume, jusqu’aux cours royales d’autres ethnies, consolidant ainsi la réputation des Antemoro comme gardiens du savoir et de la tradition.
Leur maîtrise des cycles lunaires, leur capacité à décrypter le sorabe et à fabriquer des talismans faisaient d’eux des personnages incontournables pour tous les rituels d’importance, qu’il s’agisse de mariages, de guerres ou d’événements agricoles.
Fady : tabous et cohésion communautaire
Pour ce qui est de l’us et coutume, l’ethnie Antemoro se démarque pour ses « fady ».
Les fady sont des interdits sacrés qui encadrent la vie sociale, l’alimentation, les rapports familiaux et la gestion du territoire. Certains proviennent des apports musulmans, d’autres sont propres à l’histoire locale et aux particularismes de chaque clan. Leur respect conditionne l’harmonie du groupe, la prospérité des récoltes, la santé et la protection contre les malheurs. En cas de transgression, des rituels de purification sont indispensables pour rétablir l’ordre social.
Le papier Antemoro : artisanat et identité
Côté art, il est à préciser que le fameux « papier Antemoro » est une fabrication artisanale propre à cette ethnie. C’est une sorte de manuscrit ayant une origine arabico-malgache et fut révélé dans le pays vers le 16e siècle.
La fabrication du papier Antemoro, perpétuée jusqu’à nos jours, fait partie intégrante du patrimoine matériel du peuple. Réalisé à partir de fibres végétales locales (avoha), décoré de fleurs et de motifs naturels, ce papier servait à la rédaction des manuscrits sorabe. Il est aujourd’hui reconnu pour son originalité et constitue une ressource économique grâce à l’artisanat d’art et au tourisme culturel.

Rayonnement historique et héritage contemporain
Le prestige des Antemoro s’est affirmé non seulement par leur organisation sociale et leurs savoirs, mais aussi par leur capacité à transmettre leur culture au-delà de leurs frontières régionales. Les manuscrits, l’art divinatoire, les tabous et l’artisanat constituent autant de vecteurs d’une identité forte qui a résisté aux bouleversements de l’histoire, de la colonisation et de la modernité.
De nos jours, les descendants Antemoro continuent d’honorer leurs ancêtres et de transmettre un héritage unique, au cœur de la diversité malgache. Leur rôle dans la préservation des traditions, la transmission des savoirs, et la valorisation du patrimoine fait du Royaume Antemoro une référence incontournable pour tout historien de Madagascar.