La transparence financière et la lutte contre la fraude sont au cœur des préoccupations mondiales. Madagascar vient de franchir un cap décisif en instaurant un nouveau cadre légal sur la déclaration des bénéficiaires effectifs (UBO : Ultimate Beneficial Owner). Cette réforme, introduite par la Loi de finances initiale pour 2024, bouleverse les pratiques des entreprises opérant sur la Grande Île. Décryptage complet de cette évolution majeure, de ses enjeux et de ses conséquences pour les acteurs économiques.
Un virage législatif attendu pour la transparence
Depuis le 1er janvier 2024, toutes les entités juridiques établies à Madagascar sont soumises à de nouvelles obligations de transparence concernant l’identification et la déclaration de leurs bénéficiaires effectifs. Cette mesure vise à renforcer la lutte contre le blanchiment d’argent, la corruption et l’évasion fiscale, tout en alignant Madagascar sur les standards internationaux en matière de transparence des structures de propriété.
L’adoption de cette législation répond à une pression croissante des instances internationales telles que le Groupe d’Action Financière (GAFI), qui encourage les États à mettre en place des dispositifs robustes pour identifier les véritables propriétaires des sociétés. Madagascar, soucieuse d’améliorer son attractivité et sa crédibilité auprès des investisseurs étrangers, se devait de moderniser son arsenal juridique.
UBO : de qui parle-t-on exactement ?
Le terme « bénéficiaire effectif » désigne toute personne physique qui exerce, en dernier ressort, un contrôle effectif sur une entité légale. À Madagascar, ce contrôle s’apprécie selon plusieurs critères cumulatifs ou alternatifs :
- Détention directe ou indirecte d’au moins 25% du capital ou des droits de vote.
- Contrôle par d’autres moyens (par exemple, nomination des dirigeants, liens familiaux, etc.).
- Fonction de gérant ou de représentant légal si aucun autre bénéficiaire effectif n’est identifié.
Cette définition large vise à éviter les montages complexes destinés à dissimuler l’identité des véritables décideurs.
Chaque entreprise doit constituer un registre interne des bénéficiaires effectifs, comprenant des données précises : nom complet, coordonnées, date et lieu de naissance, adresse de résidence, nationalité, pièces d’identité, pourcentage de détention ou de contrôle, ainsi que les dates de prise ou de cessation de la qualité de bénéficiaire effectif.
Déclaration en ligne : une révolution digitale… en attente
L’un des piliers de la réforme est la mise en place d’une plateforme numérique dédiée à la déclaration des UBO auprès de l’administration fiscale. Cette digitalisation vise à simplifier les démarches, assurer la traçabilité et renforcer l’efficacité des contrôles.
Initialement prévue pour juin 2024, l’obligation de déclaration en ligne a pris du retard, la plateforme n’étant pas encore opérationnelle à ce jour. Les autorités fiscales malgaches ont toutefois confirmé que le dispositif serait lancé d’ici la fin de l’année 2025. En attendant, les entreprises doivent se concentrer sur la tenue rigoureuse de leur registre interne et anticiper les futures exigences de télé-déclaration.
Quelles obligations concrètes pour les entreprises ?
Toutes les sociétés, sans distinction de taille ou de secteur, sont concernées par ces nouvelles règles. Elles doivent :
- Maintenir un registre interne des bénéficiaires effectifs à jour et accessible dans leur siège à Madagascar.
- Préparer les éléments nécessaires à la déclaration électronique dès que la plateforme sera disponible.
- Procéder à une revue annuelle des informations collectées.
- Déclarer toute modification dans un délai de 30 jours.
Cette rigueur administrative implique une vigilance constante et une adaptation des procédures internes.
Les filiales de groupes internationaux et les sociétés étrangères implantées à Madagascar ne sont pas exemptées. Elles doivent également se conformer à ces obligations, sous peine de sanctions.
Les sanctions : une dissuasion forte pour garantir la conformité
Le législateur malgache n’a pas lésiné sur les moyens pour assurer le respect de ces nouvelles obligations. En cas de manquement, les entreprises s’exposent à des conséquences lourdes :
- Une amende de 10 000 000 MGA (environ 2 000 euros), un montant dissuasif au regard du tissu économique local.
- Le blocage de la mise à jour de la carte fiscale de l’entreprise, paralysant de facto son activité administrative.
- Une responsabilité solidaire entre la société et les bénéficiaires effectifs pour toute infraction constatée.
Ces mesures illustrent la volonté des autorités de faire de la transparence un pilier de la gouvernance d’entreprise.
Comment se préparer efficacement ?
Face à ces exigences, il est crucial pour les entreprises de mettre en place des processus robustes de collecte, de vérification et de mise à jour des données UBO. L’accompagnement par des experts spécialisés peut s’avérer déterminant pour éviter toute erreur ou omission.
Les bonnes pratiques à adopter étant :
- Sensibiliser les équipes dirigeantes à l’importance de la conformité UBO.
- Mettre en place un système de veille pour anticiper les évolutions réglementaires.
- Documenter chaque étape du processus de collecte et de déclaration.
- Prévoir des audits internes réguliers pour garantir l’exactitude des informations.
Un enjeu d’attractivité et de confiance
Au-delà de la contrainte réglementaire, la déclaration des bénéficiaires effectifs s’inscrit dans une démarche globale de renforcement de la confiance des partenaires, investisseurs et autorités. Une entreprise transparente sur sa structure de propriété inspire davantage confiance et facilite ses relations d’affaires, tant au niveau national qu’international.
Madagascar, un modèle en devenir ?
En adoptant ces standards, Madagascar se rapproche des meilleures pratiques mondiales et envoie un signal fort à la communauté économique. La réussite de cette réforme dépendra toutefois de la capacité des entreprises à s’approprier les outils mis à leur disposition et de l’efficacité du dispositif de contrôle mis en place par l’État.
La mise en œuvre des obligations UBO marque un tournant pour l’économie malgache. Si la phase de transition peut sembler complexe, elle ouvre la voie à une meilleure gouvernance et à une attractivité renforcée du pays. Les entreprises qui anticiperont et respecteront ces nouvelles règles tireront un avantage concurrentiel certain dans un environnement économique de plus en plus exigeant en matière de conformité et de transparence.
Etudiant en Master II en biochimie, je suis passionné par les voyages et les technologies de l’information et de la communication. En dehors de mes études, je travaille en tant que rédacteur, traducteur et intégrateur. Je fais également un peu de community management.
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