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Royaume Sakalava

Selon la tradition, ce furent les princes Maroseranana ou Maroseraña qui fondèrent le royaume Sakalava. Ces dirigeants venaient de la région côtière du Fiherenana, dans l’actuelle province de Toliara. Ils sont souvent décrits comme des étrangers venus d’ailleurs et certains récits oraux leur prêtent des ancêtres arabes ou africains. L’émergence de cette dynastie au début du XVIIe siècle a profondément modifié l’organisation politique de l’ouest malgache.

 

Origines et fondation du royaume Sakalava

Les Maroseranana installèrent un système de royauté centralisée et s’allièrent avec des communautés côtières pour contrôler les ports et les vallées fertiles. Les chroniques rapportent que ces chefs ambitieux savaient négocier avec les marchands européens ; en échange d’armes à feu et de poudre, ils livraient aux navires de passage des esclaves, du bétail et de la nourriture. Issus de la région de Fiherenana, nombreux les considèrent comme des blancs, ayant peut être des origines arabes.

Princes intelligents, ils surent traiter avec les Européens afin d’obtenir des armes. Échangées contre des esclaves, ces armes furent utilisées pour soumettre les autres princes voisins. C’est ainsi que se forma un royaume côtier puissant, qui contrôlait progressivement la majeure partie du littoral occidental de Madagascar et qui marqua durablement l’histoire de l’île.

Un nom lié aux vallées et aux fleuves

Le mot “Sakalava” signifie littéralement « gens des longues vallées » ou « rivières ». Dans la tradition orale, on dit que l’un des premiers rois, Andriamisara, se serait établi au bord d’un fleuve appelé Sakalava, donnant son nom à ses sujets et à son territoire. Aujourd’hui, l’appellation désigne à la fois un peuple, un ensemble de dialectes et une collection de royaumes répartis du sud au nord du littoral ouest. La population sakalava occupe une vaste bande côtière ; elle est estimée à environ 2,1 millions d’individus et forme le cinquième plus grand groupe linguistique de Madagascar.

Sakalava Culture
Sakalava Culture : femmes dansant le kaoitry

 

Histoire du Royaume Sakalava

L’ascension de la dynastie Maroserana et la consolidation du pouvoir

Historiquement, le royaume Sakalava doit sa force et son imposition au roi Andriamisara. Au début du XVIIe siècle, ce souverain organisa la conquête des régions voisines. Les sources anglo‑saxonnes indiquent que les premiers récits européens sur les Sakalava proviennent de marins portugais et du jésuite Luis Mariano au début des années 1600.

Durant cette période, les ports sakalava devinrent des escales importantes pour les vaisseaux qui traversaient l’océan Indien : on y approvisionnait les navires en bœufs, fruits et riz, et l’on exportait également des épices et surtout des esclaves. Ces échanges permirent d’obtenir des fusils, de la poudre et du rhum, renforçant encore l’arsenal. Après ce roi, ce fut son fils Andriandahifotsy qui continua ses œuvres et étendit la puissance royale jusqu’au-delà de Mangoky au 17e siècle.

Les chroniques extérieures mentionnent que ce souverain, connu aussi sous le nom de Lahifotsy, régna de 1614 à 1683 et consolida la base sud du royaume. À sa mort, une querelle de succession poussa son fils Tsimenata à migrer vers le nord ; il y fonda le royaume de Boina en conquérant des cités swahilies comme Mazalagem Nova en 1685. Le royaume se scinda alors en deux grands ensembles, le Menabe au sud et le Boina au nord. L’unité de la dynastie subsistait cependant à travers le culte des ancêtres royaux et le principe d’ascendance Maroserana qui légitimait toutes les lignées.

Extension territoriale et rivalités au XVIIe siècle

Dès le début de son règne, ce roi tenta de s’imposer contre les Andrevola afin de ménager la baie de Saint-Augustin. Les Andrevola, alliés au gouverneur de Fort‑Dauphin, Champargou, repoussèrent toutefois l’expansion sakalava dans cette zone. Cette dernière fut un endroit stratégique puisque les Hollandais y vinrent faire du commerce. Mais les Andrevola ayant reçu de l’aide du gouverneur de Fort-Dauphin Champargou réussirent à dissuader le roi de son projet pour la baie.

La puissance sakalava reposait moins sur la conquête d’un territoire continu que sur un réseau d’alliances le long du littoral et sur la capacité à imposer des tributs en riz et en bœufs. Les fils d’Andriandahifotsy : Andriamandisoarivo et Andriamanetiarivo, poursuivèrent la conquête du roi jusqu’à Tsongay mais ils rencontrèrent l’opposition des cités swahilies et de leurs alliés comoriens.

Hégémonie commerciale et concurrence des puissances européennes

Le 18e siècle fut marqué par l’hégémonie Sakalava qui se fonda principalement sur le commerce avec les puissances occidentales. Mais ce fut également durant le 18e siècle que commença la conquête Merina vers ce royaume puissant. Le royaume Merina compta sur la conquête de l’Ouest-de-l’Île afin de retirer le privilège des rapports commerciaux qu’entretinrent les Sakalava avec les Européens. À cette époque, les ports de Menabe et de Boina exportaient des esclaves, du riz et des zébus vers les Mascareignes, notamment vers les plantations françaises de Maurice et de La Réunion.

Les captifs provenaient de raids menés sur d’autres groupes malgaches ou d’achats auprès de commerçants musulmans. En retour, les marchands européens livraient des fusils, de la poudre et du rhum, permettant au royaume d’entretenir des armées et même de lancer des expéditions navales sur les côtes de l’Afrique de l’Est. L’État de Boina assurait aussi un approvisionnement en vivres et en eau aux navires européens.

Conquête merina et colonialisme français

Ainsi après avoir adopté le nom Andrianampoinimerina, le roi d’Imerina signa un pacte d’amitié avec un dirigeant de Boina, Ravahini. Andrianampoinimerina compta négocier l’union du royaume Sakalava et celui d’Imerina. Par la suite, force est toutefois de constater que bien qu’il ait réussi à soumettre les Sihanaka et les Betsileo, ce roi Merina eut du mal à dominer les Sakalava. Pour ces derniers, les Merina ressemblèrent aux Vassaux et ils n’acceptèrent pas facilement la soumission.

Les armées d’Andrianampoinimerina reçurent les appuis des spécialistes occidentaux pendant la conquête du royaume Sakalava. Et au lieu de piller le royaume, ils préfèrent engager l’occupation militaire du territoire Sakalava. Cependant, les royaumes de Menabe et de Boina ne furent jamais intégrés durablement dans l’empire merina.

À la fin du XIXe siècle, la France profita des rivalités internes pour instaurer son protectorat ; en 1886, Madagascar devint colonie française, et les rituels royaux durent parfois être célébrés clandestinement. Malgré la colonisation, les Sakalava ont préservé leur identité et continuent à se désigner comme des côtiers distincts des peuples des hautes terres.

 

À propos des tribus Sakalava

Les tribus Sakalava sont les tribus les plus célèbres de Madagascar. Elles possèdent leurs propres dialectes, leurs traditions, leurs musiques et leurs personnalités. Elles se distinguent par leur langue, leurs coutumes et leur identité. Les Sakalava se définissent souvent en opposition aux peuples des plateaux (Merina et Betsileo) ; ils se nomment eux‑mêmes tera‑tany, « maîtres du sol », ou tompontany, « propriétaires du pays », tandis que les étrangers sont appelés vahiny. Ces distinctions s’enracinent dans une organisation sociale centrée autour du roi et des clans et dans un lien fort avec les esprits ancestraux. Dans les recensements, la catégorie « Sakalava » englobe parfois des communautés apparentées telles que les Vezo (pêcheurs) ou les Antakarana.

Les traditions et dialectes des tribus Sakalava

Il y a deux tribus Sakalava à Madagascar : la tribu Sakalava du Boina et la tribu Sakalava du Menabe.

Les Sakalava du Boina sont les peuples du nord de Madagascar, plus précisément de Diego, de Nosy be, d’Ambanja, de Vohemar et d’Ambatoboeny (dans la province de Majunga) tandis que les Sakalava du Menabe sont ceux originaires du Sud et du sud-ouest de Madagascar, en particulier à Morondava (province de Tuléar).Les dynasties boina ont développé des centres urbains comme Majunga, tandis que le Menabe correspond au berceau du premier royaume sakalava

Langue et influences étrangères

Leur dialecte est le dialecte Sakalava, dont la plupart des mots sont originaires d’Afrique. La langue sakalava est une branche occidentale du malgache. Elle présente des différences notables avec le dialecte merina : emploi fréquent du nasal “ng”, recours privilégié à la forme active et vocabulaire distinct. Elle est enrichie d’emprunts au swahili, à l’arabe, au français et à plusieurs langues bantoues ou asiatiques. Cependant, à Diego, la langue est fortement mélangée avec des langues étrangères, influencées par les touristes et les visiteurs français et américains.

Les Sakalava parlent également le malgache officiel et le français dans les administrations et les écoles, mais ils continuent à transmettre leur dialecte à travers les contes et les chants.

Costumes et parures

Les Sakalava ont leur propre façon de se vêtir. Chez les femmes ce sont le kisaly et le salovana et chez les hommes c’est le kitamby. Ces vêtements sont le signe de l’honneur ou de la tristesse. Par exemple, pour les femmes, elles mettaient le « salovana » ou le « Kisaly » lors d’une fête ou dans la vie quotidienne. Pour les funérailles aussi, mais dans ce cas, elles les salissent (c’est une tradition). Puis, parfois elles s’imprégnaient du « masonjoany ». Ce dernier s’agit d’un produit naturel qui rend leurs visages doux et beaux. Tandis que les hommes enroulent le kitamby autour de la taille et le nouent pour travailler ou assister aux cérémonies.

Coutume sakalava Madagascar
Coutume sakalava Madagascar : des femmes qui s’habillent avec le kisaly et le salovana

Musiques et danses

Les Sakalava du Boina sont célèbres pour leurs musiques traditionnelles dont le Salegy, le Trotrobe, le Kaoitry tandis que ceux du Menabe pour la musique Kilalaky. Ces styles utilisent des rythmes rapides et des percussions et sont populaires dans tout Madagascar. Les instruments traditionnels comprennent le valiha, les tambours hazolahy et des sonnailles. À l’intérieur des cours royales, d’autres danses plus solennelles sont réservées aux cérémonies ; le rebiky retrace des batailles tandis que le maganja est de provenance africaine. Dans la majorité de leur chanson, leur objectif est de faire savoir aux autres qu’ils sont des descendants d’Africains.

Caractère et hospitalité

Le caractère des Sakalava est aussi très différent des autres tribus. La plupart des Sakalava sont hospitaliers, bons et respectables. Ils ne sont pas hypocrites et aiment communiquer avec les autres.

Cette réputation d’ouverture et de générosité a longtemps favorisé les échanges commerciaux avec d’autres peuples et les voyageurs étrangers. Toutefois, les Sakalava restent fiers de leur autonomie et se méfient de la domination des hautes terres.

 

Organisation sociale et politique

Les Sakalava possèdent une structure sociale hiérarchisée. Au sommet se trouvent les rois et reines (ampanjaka), descendants des fondateurs Maroserana. En dessous, on trouve les vahoaka (le peuple), les Sambarivo qui servent la famille royale lors des cérémonies, et les andevo (esclaves) souvent d’origine africaine. Le roi gouverne avec l’aide de conseillers : le manatany (sage porte‑parole), le fahatelo (troisième personnage de l’État) et des assemblées d’anciens. Les femmes n’occupent pas ces fonctions politiques mais jouent un rôle majeur dans les cultes. Les décisions importantes doivent recevoir l’aval des esprits ancestraux par l’intermédiaire de médiums (tromba).

La succession royale est souple ; le successeur peut être un fils ou une fille de différentes épouses, voire un neveu. Cette flexibilité a entraîné des disputes et la création de dynasties rivales, d’où la multiplicité des royaumes sakalava. Les rois servent de juges pour les litiges graves, tandis que les chefs de village gèrent les conflits quotidiens. Les sanctions sociales incluent l’ostracisme et l’accusation de sorcellerie. Les guerres contre les Merina et les mémoires de suicides héroïques continuent d’alimenter la fierté et la cohésion collective.

Économie et modes de subsistance

Le territoire sakalava s’étend des rivages sableux aux savanes et aux plaines fluviales. Cette diversité écologique explique un mode de vie combinant pêche, agriculture et élevage. Les Sakalava utilisent des pirogues à balancier pour pêcher poissons et crustacés dans l’océan et les rivières. Ils élèvent des zébus à bosse qui représentent un symbole de richesse et servent lors des rites. Sur la terre ferme, la culture itinérante permet de produire du riz et du manioc, tandis que l’horticulture fournit des fruits et des légumes variés.

Les ports sakalava ont longtemps été des centres d’échanges où l’on approvisionnait les navires en vivres et où l’on vendait des esclaves, des épices et des zébus. Bien que la traite des esclaves ait été interdite au début du XXe siècle, le commerce demeure important : des marchés hebdomadaires permettent aux familles de vendre du poisson, des produits agricoles et de l’artisanat, et les enfants participent souvent à ces activités.

Mariage, famille et société

Les règles matrimoniales varient selon le statut social. Les familles royales préfèrent les unions entre proches afin de maintenir la pureté dynastique et pratiquent parfois encore la polygynie. Chez les communs, les mariages sont plus libres, même si la résidence demeure souvent virilocale. Le mariage est un processus flexible : un individu peut avoir plusieurs unions au cours de sa vie et la cohabitation est reconnue lorsqu’elle est suivie par la naissance d’enfants. Lorsque la relation échoue, la femme retourne en général dans sa famille, et autrefois le mari devait offrir du bétail pour la reconquérir.

Ethnie sakalava du royaume sakalava
Ethnie sakalava du royaume sakalava

 

Les familles peuvent être nucléaires, élargies ou dirigées par une femme seule. Les enfants sont élevés collectivement ; ils circulent entre les maisons des parents et des grands‑parents afin de partager l’éducation et les tâches domestiques. Les rituels d’enfance comprennent une période de confinement post‑partem, la première prise de riz et surtout la circoncision des garçons qui marque l’entrée dans l’âge adulte. Les cérémonies pour les enfants royaux sont particulièrement grandioses et accompagnées de danses rebiky.

Cérémonies royales et patrimoine immatériel

L’identité sakalava repose aussi sur des rituels annuels qui unissent clans et dynasties. Les communautés accomplissent régulièrement des « travaux royaux » pour honorer les souverains vivants et les ancêtres ; ces tâches comprennent la construction d’un nouveau palais, l’ensevelissement d’un roi ou la célébration d’une circoncision royale. L’un des événements les plus importants est le bain royal : appelé fitampoha dans le Menabe et fanompoa‑be dans le Boina, il s’agit de la purification des reliques dynastiques dans les eaux d’un fleuve sacré. Chaque clan possède des devoirs précis hérités de ses ancêtres ; une caste spécialisée, les Sambarivo, continue à superviser ces cérémonies et à accueillir les foules qui viennent rendre hommage aux reliques.

Ce patrimoine immatériel, où se mêlent chants, danses et offrandes, transmet la mémoire de l’empire et consolide le lien entre les royaumes disséminés. Malgré l’urbanisation et la colonisation, de nombreuses familles maintiennent ces pratiques, rappelant que les Sakalava sont « maîtres de la terre » et que la cohésion du groupe passe par le respect des ancêtres et la participation collective aux rites.

 

Arts, artisanat et textiles

Le génie artistique des Sakalava s’exprime à travers le tissage, la sculpture et la vannerie. Des recherches menées par des historiens de l’art soulignent que les textiles malgaches ne sont pas de simples marchandises mais des marqueurs d’identité ; certaines étoffes sont investies de pouvoirs surnaturels. Les tisserandes sakalava créaient autrefois des tissus en raphia teints appelés laimasaka qui servaient aussi bien de tentes et de rideaux que de vêtements ou de linceuls. Le coton, cultivé depuis le XVIe siècle, est tissé pour fabriquer des vêtements et des amulettes ; on pensait que les fils de coton possédaient des vertus curatives et on les incorporait dans des charmes protecteurs.

Au XXe siècle, les motifs complexes tissés en technique ikat et teintés avec des plantes ont progressivement décliné, remplacés par des nattes et des paniers tressés à la main. Les femmes continuent de fabriquer des paniers, des nattes et des broderies, tandis que les hommes construisent des pirogues à balancier, sculptent des meubles en palissandre ou en ébène et fabriquent des charrettes à zébus. La vente de ces objets aux marchés locaux et aux voyageurs apporte un revenu complémentaire aux familles et préserve un savoir‑faire transmis depuis des générations.

 

Religion, croyances et pratiques rituelles

La religion sakalava est centrée sur le culte des ancêtres royaux et la possession spirituelle. Les esprits des rois et des reines décédés, appelés tromba, sont organisés en générations correspondant aux lignées dynastiques. Les médiums (saha), souvent des femmes vivant près des tombes royales, servent de relais entre les ancêtres et les vivants et guident les décisions politiques. Les tromba sont classés en deux grandes catégories : Zafin’i’ména (descendants d’or) et Zafin’i’fotsy (descendants d’argent). Les mediums portent des costumes reflétant le rang et l’époque de l’esprit qui les possède.

Outre les ancêtres royaux, les Sakalava reconnaissent des esprits de la nature (tsiny) et des esprits malveillants. Les cérémonies utilisent des tambours hazolahy joués exclusivement par des hommes et se tiennent seulement certains jours et phases lunaires. Les guérisseurs (moasy) et les devins (mpisikidy) combinent pharmacopée locale, divination et culte des esprits. Le catholicisme et l’islam se sont aussi implantés ; il n’est pas rare que des médiums assistent à la messe tout en servant les tromba.

Tombeau sakalava
Tombeau sakalava